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  Dominique Blanc dans Après la vie (c) D.R.
L'ébauche des personnages réalisée, il s'agit ensuite de les rendre suffisamment humains pour qu'ils puissent nous toucher. Vient alors le travail d'écriture classique. Je travaille davantage les personnages et les situations de base que le récit proprement dit, dans un premier temps au moins. Les personnages se racontent par la façon dont ils réagissent face à une situation. Un personnage, c'est fait de bric et de broc, de gens que je connais, de choses que j'ai vues dans les journaux, de moi aussi, bien sûr.

J'ai toujours travaillé de la même façon : les personnages se créent sur 25 ou 30 séquences. Quand j'arrive à la séquence 30, mes personnages sont construits. Ils le sont suffisamment pour être autonome. Je ne peux plus leur faire faire ce que je veux. Parfois, j'ai écrit une situation, je veux la poursuivre, et je m'aperçois en relisant que ça sonne faux, que le personnage tel qu'il existe au bout de ces X premières pages, ne peut plus faire telle chose dans la logique du film. Cela m'ouvre alors un champ d'investigation différent auquel je ne m'attendais pas et qui parfois me surprend.


Objectif Cinéma : Un couple épatant est le revers de Pour rire…

Lucas Belvaux : Oui. Ce sont des films qui fonctionnent en miroir. J'ai commencé à écrire la trilogie avant d'avoir tourné Pour rire. Le jour où j'ai fini le scénario de Pour rire, je commençais le lendemain à écrire la trilogie. Je ne me suis pas arrêté, il n'y a pas eu une journée de battement entre les deux.


Pour rire (c) D.R.
Objectif Cinéma : Et concrètement comment travaillez-vous ? Vous faites un plan ?

Lucas Belvaux : Non je ne fais pas de plan, j'avance séquence par séquence. Pour la trilogie, j'avais effectivement un plan, mais vraiment très vague. Je vois toujours à peu près où je vais dans les 10 pages qui suivent, mais pas au-delà. Je ne cherche pas à le savoir, parce que si je connaissais la fin de mon histoire avant de la commencer, j'écrirais alors l'histoire en fonction de cette fin. Et je ramènerais alors sans cesse mon personnage sur des sentiers balisés.


Objectif Cinéma : En écrivant, vous aviez quand même des points de repère chronologiques…

Lucas Belvaux : Non, la chronologie se construit aussi petit à petit. Lorsqu'une séquence qui mettait en scène des personnages communs à deux ou trois films, était écrite, l'ordinateur me permettait de la dupliquer et de la coller dans les autres scénarios, là où elle entrait dans la chronologie. Et quand je passais à l'autre scénario, je retravaillais la séquence dans sa continuité, pour savoir si elle restait telle quelle, si je devais en couper un bout, si je la gardais ou pas dans son intégralité. Par exemple, toutes les séquences où Leroux croise un personnage étaient placées à la fois dans le scénario de Cavale et dans celui du personnage en question. Des séquences de Après la vie sont passées ainsi dans Cavale, même si elles ne sont plus dans Cavale aujourd'hui. Et vice-versa. Tout cela servait justement à construire la chronologie. Elles allaient peut-être se révéler indispensables dans le récit, mais je ne le savais pas encore.


  Cavale (c) D.R.

Objectif Cinéma : Vous avez bien évidemment écrit plusieurs versions des scénarios…

Lucas Belvaux : Des quantités…Cela bougeait tout le temps. Jusqu'au moment de la préparation. J'ai souvent tendance à travailler comme cela, mais pour la trilogie, c'était indispensable. Pendant le tournage, on est sans cesse en réaction par rapport aux événements extérieurs, il y a une équipe, des acteurs, 40 personnes, du temps qui passe très vite, et on n'a plus le temps de penser au scénario, sauf pour une réplique à droite ou à gauche. Je fais confiance au scénario au moment du tournage, j'y ai réfléchi avant à tête reposée, j'ai eu le temps de le faire, et je considère que les choix faits ont été les meilleurs.