Objectif Cinéma
: La trilogie est passionnante
car elle suscite un vrai travail de l'imaginaire du spectateur.
Quel que soit l'ordre dans lequel il voit le film
Lucas Belvaux
: Pour les sorties en salles, nous avons gardé l'ordre
initial du projet : Un couple épatant, Cavale, Après
la vie. Et ce, pour plusieurs raisons : d'une part parce
que la comédie était un moyen d'entrer confortablement
dans le projet, et aussi parce que dramatiquement, cet ordre-là
révèle le plus de surprises - même si
l'expérience m'a appris que dans l'autre sens, les
surprises existaient aussi. Choisir cet ordre-là, c'était
aller du plus large au plus intime. Avec Après la vie,
on est dans l'intimité absolue d'un couple. Alors que
dans Un couple épatant, le monde et la famille
sont encore présents. Je souhaitais amener le spectateur
par une sorte de travelling avant vers le projet le plus intime
des trois.
Objectif Cinéma
: Cavale est pourtant
centré sur un personnage solitaire
Lucas Belvaux
: Oui, mais les enjeux n'y sont pas purement individuels,
il y a un enjeu politique, un enjeu de société.
Le problème du personnage de Cavale, c'est sa
place dans le monde et celle de ses idées politiques.
Les personnages de Après la vie vivent au contraire
tournés vers eux-mêmes, ils constituent presque
un monde à eux tout seuls. Un monde enfermé.
Objectif Cinéma
: La perception des personnages
change tout le temps. J'ai vu Cavale en premier, Après
la vie en deuxième, et Un couple épatant
en dernier. J'imagine que lorsqu'on voit ce film-ci en
premier, on ne sait pas encore, par exemple, que Leroux (Lucas
Belvaux) est en cavale, c'est la comédie des apparences,
on pense qu'il est l'amant d'Agnès (Dominique Blanc) Lucas Belvaux
: Oui, c'est pour cela que voir Un couple épatant
en tout premier permet de garder toutes les options ouvertes.
Les surprises sont alors plus marquées. Mais pour peu
que les gens lisent la presse il y aura moins de surprises
Objectif Cinéma
: Un personnage échappe
à toute psychologie, c'est celui du flic, joué
par Gilbert Melki.
Lucas Belvaux
: Il est au centre des trois films et fait le lien entre les
trois mondes parallèles. Objectivement, ce sont les
femmes qui relient les films, un peu comme si elles se tenaient
la main. Mais celui qui passe d'une femme à l'autre
et traverse les trois mondes, c'est Pascal Manise, (Gilbert
Melki), c'est lui qui apparaît au bout du compte comme
le personnage principal.
Objectif Cinéma
: Plus on avance dans sa connaissance,
plus il reste mystérieux
Lucas Belvaux
: C'est un personnage opaque. Il fallait un comédien
qui pouvait faire passer cette opacité et cette profondeur.
C'est un personnage blindé, soumis à tellement
de contraintes extérieures qu'il est obligé
de construire quelque chose qui lui permettra de passer d'un
monde à l'autre, tout en restant vivant, sans se mettre
complètement en danger. Il doit se protéger
s'il ne veut pas mourir tout de suite car il est soumis à
l'insupportable. J'ai écrit le scénario à
l'époque d'une grande vague de suicides dans la police
et je pense que ces événements ont influé
sur l'écriture.
Objectif Cinéma
: Vous partez des personnages
quand vous écrivez
Lucas Belvaux
: Oui. Ce sont eux qui me guident.
Objectif Cinéma
: Quel personnage est apparu
en premier ?
Lucas Belvaux :
Ils apparaissent tous en même temps. En une journée
de travail, mes six personnages sont ébauchés.
Je travaille par couples : je savais que ce serait trois femmes,
trois profs, je savais aussi à peu près ce qui
les différenciait socialement. Agnès (Dominique
Blanc) est la marginale, justement parce qu'elle vit avec
un flic et que la place du flic est déjà un
peu marginale dans la société. Jeanne (Catherine
Frot) se singularisait par un passé militant, emportée
à une époque dans une dérive dont elle
a été sauvée. Son passé revient
avec Leroux. Restait le couple plus bourgeois, Alain et Cécile
(François Morel et Ornella Muti), avec des problèmes
plus bourgeois.