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  Pour rire (c) D.R.

Objectif Cinéma : Quelles indications donniez-vous à vos monteurs ?

Lucas Belvaux : J'en donnais assez peu. J'ai donné des indications assez précises aux monteuses des deuxième et troisième films. J'ai choisi Béatrice Wick, qui a monté le son de Cavale, car elle avait fait Pour rire. Je connaissais son goût pour les films urbains, mécaniques, les sons d'explosions et de moteurs de voiture, les ambiances sonores urbaines nocturnes, et je savais qu'elle allait amener beaucoup de choses, tout en choisissant des éléments de manière extrêmement précise pour qu'ils se marient bien. Cela devient presque une partition symphonique. Bernadette Thiboud qui montait le son d'Après la vie m'avait été recommandée par Béatrice. Je lui ai demandé aussi le moins de choses possible, je tenais à ce que ce soit extrêmement nu. Cela devenait une difficulté, elle devait inventer quelque chose d'extrêmement fin, avec très peu de matière. Le son Dolby permet cela. Le travail du montage son et du mixage dans Après la vie est exceptionnel, au sens où l'on n'entend jamais cela au cinéma. Au contraire, ça fait presque peur aux techniciens de faire ce type de son.


Objectif Cinéma : Valérie Loiseleux pour Un couple épatant, a réalisé les deux montages, image et son…

Lucas Belvaux : Oui, Valérie aime aussi monter le son des films dont elle monte l'image. Cela dit, le montage image correspond au regard et au goût du monteur, mais il est aussi induit par le filmage. Si une scène est filmée en champ contre champ, cela n'a pas grand intérêt de monter en plan séquence par exemple ! Il faut faire de toute façon avec le matériau dont on dispose.

Un couple épatant (c) D.R.

Objectif Cinéma : Comment arriviez-vous à vous y retrouver entre les trois films, sur le plateau ?

Lucas Belvaux : On ne s'est jamais mélangé les pinceaux. Comme les films étaient différents génétiquement, on savait en fonction du dispositif et de la lumière si on était dans un film ou un autre.


Objectif Cinéma : Vous vous repériez aussi par la place de la caméra, la lumière…

Lucas Belvaux : C'était différent pour chaque film et parfois pareil. Quand je différenciais, ce n'était pas pour avoir le plaisir de différencier. J'ai essayé effectivement de garder pour chaque film des différences. Après la vie est tourné par exemple entièrement caméra à l'épaule, alors qu'il n'y a pas un plan à l'épaule dans les deux autres films. Ce n'étais pas seulement pour le différencier, j'ai tourné ce film caméra à l'épaule parce que c'était pour moi la façon la plus appropriée pour l'histoire que je racontais. Je n'utilise pas la caméra à l'épaule pour faire quelque chose de mouvementé dans le plan. Dans Cavale, je cherchais au contraire quelque chose de plus stylisé et de plus posé possible. Ce n'est pas pour " faire genre " non plus, c'est parce que je pense que la façon dont on utilise une caméra correspond au style du film. C'est en fonction du récit qu'on choisit de quelle façon tourner, et pas par plaisir purement personnel.

  Cassavetes (c) D.R.

Objectif Cinéma : Est-ce que le choix des trois genres (comédie, polar, mélo) s'est imposé très vite ?

Lucas Belvaux : C'est un choix théorique. Il fallait quelque chose de plus que l'idée des personnages présents alternativement au premier ou deuxième plan. Il fallait en plus un plaisir de spectateur de cinéma, et marquer très fort la différence entre chaque film. Sinon ce n'était pas très différent d'un film choral très long. J'avais aussi envie de m'amuser en les faisant et ce projet répondait à des questions théoriques que je me pose sur l'écriture de scénario et la mise en scène.


Objectif Cinéma : Vous aviez des références en tête ? Cassavetes par exemple ?

Lucas Belvaux : Les cinéastes de ma génération ont tous Cassavetes, Pialat et d'autres en tête ! (rires). Le cinéma est un art très jeune donc on peut encore se permettre d'avoir tous les mêmes maîtres. On cite tous les mêmes cinéastes, mais on fait des films très différents, on doit donc être de très mauvais élèves ! (rires)

Sur mon premier film, je me suis rendu compte très vite que lorsque je faisais un plan en pensant à un cinéaste, ou un plan vu dans un autre film, cela ne lui ressemblait jamais, mais cela donnait quelque chose de différent et qui me plaisait. Cela m'arrive encore de penser à d'autres cinéastes quand je tourne, mais j'y pense moins en termes de référent. Je suis plus dans l'absolu. Je filme non pas parce qu'untel aurait filmé ça comme ça et que ça marchait, mais je filme comme cela parce que j'ai l'impression qu'il n'y a que comme cela qu'on peut raconter telle chose.